La Commune (Paris 1871), de Peter Watkins

Il y a bien longtemps, je m’étais étonné que les programmes scolaires ne traitent pas du XIXème siècle français. Au collège, puis au Lycée, le programme d’Histoire était tellement chargé qu’on avait pas le temps d’aller jusqu’au bout. On arrivait aux prodromes de la Révolution Française, on passait vite sur la période qui allait de 1789 à 1794 parce qu’il fallait au moins boucler le Premier Empire avant les congés d’été et puis, l’année d’après, on passait directement à la première guerre mondiale. Ce n’est que bien plus tard que j’appris que la France du XIXème avait connu trois autres révolutions pendant le XIXème siècle, celle de 1830, celle de 1848 et, en 1871, la Commune. Programme surchargé ? Manque de temps ? Qu’en penser ?

Un des protagonistes du film dit à un moment la même chose. Il ajoute qu’il a fait quatre ans d’Histoire à l’Université et qu’il n’y a pas plus abordé la Commune qu’au collège ou en lycée. Une autre dit plus tard que la Commune représente un point nodal de l’évolution de toutes les gauches dans le XXème siècle. Selon elle, lorsque chacune des sensibilités de gauche a dû s’interroger sur l’échec de la Commune, elles ont mis en priorité telle ou telle faiblesse et en ont tiré, sur le plan programmatique, différentes modalités d’action à accomplir en premier. Est-ce une certaine incrédulité devant la détermination exterminatrice des Versaillais ? Une naïveté devant les représentants de la Banque de France ? Une désorganisation entre le comité central et les sous-comités ?…

Pourquoi dire cela ? Parce que nous avons finalement découvert l’oeuvre magistrale que Peter Watkins a consacré à la Commune. Quelques éléments de contextes : une durée de six heures ; deux cents participants collaborant activement au film en se documentant et en s’emparant des personnages qu’ils auront à interpréter ; un seul passage télévisé en 2000 alors qu’il s’agit d’une production d’ARTE entre autres, une ressortie au cinéma en 2007.

Comme la Commune elle-même, le film est maudit et sa renommée ne sort guère des cercles cinéphiles et militants. Mais s’il n’y avait qu’une seule chose à dire de ce film, c’est la facilité extraordinaire avec laquelle il nous replonge dans l’effervescence révolutionnaire du moment. Des six heures, on ne voit littéralement rien passer tant nous sommes mis directement en présence de personnes vivantes, attachantes et construisant cahin-caha un espace de liberté quand les crocs de la réaction se referment inéluctablement sur eux. Et ce plaisir est d’autant plus renforcé que Watkins emploie des procédés à contre-courant de ceux qu’on s’est habitués à consommer à la télévision et au cinéma d’inspiration hollywoodienne. Nous ne sommes pas invités à nous identifier aux personnages puisqu’ils nous sont d’emblée présentés en tant que comédiens. On ne fait pas tonner les canons, ni ne survolons Paris en proie aux flammes. On reconstitue dans un studio de quelques centaines de mètres carrés, presque théâtralement, ce que fut la Commune dans le XIème arrondissement.  Enfin, on ne se replonge pas dans un XIXème fantasmé, mais on fait se télescoper une reconstitution du XIXème hyper-documentée et un récit empruntant au journalisme audiovisuel allant jusqu’à mettre en scène deux télévisions concurrentes : La TV Communale et la Télé Nationale Versallaise.

Pour terminer, la Commune de Peter Watkins nous pose un dilemme. La résolution de ce dilemme consiste à commander le DVD du film auprès de votre revendeur préféré. Mais cela suppose que vous ayez l’envie et les moyens de faire ainsi. Il en va autrement si on prend en compte d’autres arguments.

Par exemple, que la Commune ait été occultée de l’histoire de France, que le film lui-même de Peter Watkins ait été occulté en dépit de ses indéniables qualités cinématographiques, le fait donc accompli qu’un nombre important de nos concitoyens ne peuvent rien connaître de l’un comme de l’autre et, enfin, la redoutable efficacité du media Internet qui nous propose si facilement d’aller y voir par nous-même, tout cela nous pousse au désir impétueux d’interroger votre moteur de recherche habituel pour voir le film à partir d’Internet et se faire notre première impression sur ce bout d’histoire que l’on nous a volé.

M’enfin, je dis ça, je dis rien.

PS : d’autres liens pour prolonger la vision

Sur la Commune.
Le processus du film
Analyse de Critikart
Entretien de Peter Watkins sur la Monoforme.

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